10 juin 2017

Dans cette seule et unique courbe, inquiète et dentelée, avec de rares douces sinuosités, complètement neurasthénique et brisée à sa fin, on lit la ligne de vie de mon père, son pas chancelant et sa chute, son râle : cardiogramme frénétique, écriture de son cœur.

(Danilo Kiš, « Pages d’un album de velours », Chagrins précoces pour les enfants et pour les raffinés)

 

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Mouvement. C’est ce mot que j’ai envie d’écrire, assise devant le lac aux plis changeants et les feuilles d’arbre en pendule au vent d’ouest. L’écriture est elle aussi jeu d’équilibre entre la poussée et la tirée, et jeu de résistance de la pointe contre le papier, fragile.

Le cœur écrit la vie en trois dimensions – par un tracé sur l’électrocardiogramme, par les lignes de vie dans les mains, et enfin par le mouvement du corps, en roulis ou en saccades. Parfois, les secousses ou les chutes sont inévitables; que le corps y entre entier, assez fort pour ployer.