ma démesure ordinaire
(Roseline Lambert, Cliniques)
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Le corps, dans toute sa banalité, est fort. Il y a huit mois, je sortais de l’hôpital le souffle écourté, les côtes saillantes et le dos courbé pour protéger mon cœur en peluche, tenu serré dans mes bras. Je rêvais de Sarajevo, mais je n’osais pas y croire. Je ne pouvais croire que ce que je voyais : la boule rouge monter dans l’inspiromètre, ma démarche languissante me mener au banc devant la pharmacie, mes trous de drain se refermer peu à peu.
C’est fou comme la vision s’élargit dès qu’on retrouve un pas assuré. En fait, chacun de ces mouvements – des yeux, des jambes – accélère l’autre, jusqu’à ce que devant nos regards tienne le monde au complet.
Aujourd’hui, huit mois plus tard, je m’inquiète d’un mal d’oreille. Et je ris de ma démesure ordinaire.