Ouvriers blonds, maîtres d’école, maquignons, bouchers et, parfois, écoliers pauvres, leurs précieuses mains enfouies dans des gants de laine enveloppant la tasse de salep, le nez enrhumé, la tête en grève, fumant comme un samovar chagrin, tournaient le dos au mur immense de l’usine; ils buvaient à petites gorgées le salep saupoudré de leurs rêves d’avenir.
(Sait Faik Abasıyanık, Le samovar)
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C’est tout ce dont j’ai envie, ce matin : d’un salep saupoudré de mes rêves d’avenir. D’une couverture chaude et fumante dans laquelle envelopper mon coeur samovar, ma cheville chagrin; d’un roman de près de cinq-cents pages dans lequel enfouir ma beauté, mon sourire d’hier, mes noirs de mémoire.
Il pleuvasse encore, il vente à ébouriffer les goélands, la mer est rétrograde. Les hommes nous élèvent comme un verre de rakı puis nous forcent à tourner le dos à nos rêves immenses, même s’ils n’auront duré qu’un jour ou deux. Je choisis de me concentrer sur l’eau, de la clairer de ses matériaux de construction. De sentir le mouvement comme mon écorce.