Ah! le doux bouillonnement du samovar… […] Il ne pouvait en sortir qu’odeur, vapeur et bonheur du matin.
(Sait Faik Abasıyanık, Le samovar)
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Je reporte souvent mon bonheur du matin à l’après-midi, parce que je crois profondément que le bonheur prend du temps. Je me suis aussi tellement imposé l’attente dans ma vie que je suis devenue convaincue de ses vertus, à tort ou à raison. Je ne boude pas mon plaisir, non; je ne fais que le reporter.
Ainsi ma vie fonctionne-t-elle comme un système de récompenses, un tapis roulant sur lequel je salive en marchant, toujours plus de pas, canne ou pas, sur lequel je mouille – ma tasse de thé, mon lahmacun, mon amoureux à venir. Je bouillonne déjà en avançant et je ne comprends pas que je suis le liquide désiré. Je suis la femme samovar, je suis ma propre récompense.