31 mai 2018

Cette année, la pierre du souvenir, il faut croire, était plus lourde que d’habitude.

(さみろた、@MAntipyrine)

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La fin du mois, la fin d’un cycle, la fin d’une année. C’est toujours là que la pierre du souvenir s’alourdit soudainement alors qu’on portait bien l’air jusqu’à maintenant. Mais est-ce cette même agate avec laquelle je dormais, cette même chrysocolle que je portais dans ma poche de şort qui est revenue se loger (se lover comme moi sur un chat…) dans mon ventre? Ou ne serait-ce pas plutôt cette magnétite toute neuve qui n’attend que je la polisse?

Le temps m’apporte des fragments de ciel si j’y mets du mien. Du ciel ou du temps, de mien? Difficile à dire. Mais je penche vers les deux.

30 mai 2018

The forces of nature, and sunrises and sunsets — they feel like me. The « out there » is my « in here ».

(Olivia Dresher)

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Travailler sur le ciel comme le ciel travaille sur moi. C’est-à-dire dans un mouvement à la fois cyclique et réciproque, autant dans la rotation que dans la révolution. Choisir un espace entre deux étoiles et y plonger le regard, persuadée que la clé se révèlera après trente minutes d’exposition à l’obscurité.

Hier, j’ai hurlé à la nuit et elle m’a tenue occupée avec des rêves. Il y avait là des hivers où j’étais la bienvenue, des parasols de papier pour me protéger, des lunes de loyauté malgré la liberté. Il y avait là beaucoup de nous, au coeur du beaucoup de moi.

29 mai 2018

J’ai beaucoup de respect pour le hasard. Je crois à cette acceptation des objets donnés, et de la vie donnée, qu’il faut prendre telle qu’elle vient.

(Marguerite Yourcenar)

 

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Je me demande si c’est le hasard qui met sur mon passage des gens au profil impossible / miroir. J’ai beaucoup de respect pour ce que je n’arrive pas à nommer, hasard me semble trop impertinent, aussi plate que la perspective d’une journée passée à la maison avant que j’aie décidé de la semer de petites beautés. Il y a bien un donné mais d’où vient-il, comment tombe-t-il, je n’ai pas envie de le savoir sauf lorsque je verse le thé de ma théière : en reste-t-il?

Il reste toujours des fleurs blanches mystères qui parfument des soirées au balcon. Il reste toujours des partages de cheesecakes à faire. Il faut prendre / la vie / telle qu’elle vient, parce qu’elle vient.

28 mai 2018

La façon la plus rapide de franchir la distance entre deux points est de l’enlever.

(Marie-Pier Charron)

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Sortir de mon malheur en lui arrangeant le toupette, de la même manière qu’on coupe la distance entre deux points : avec des miniciseaux, au-dessus de l’évier pour que les fragments de distance ne souillent pas le plancher.

Je suis terzi, tailleuse, même quand je ne sais pas coudre. Je dresse des ponts piétons aussi résistants qu’une mèche de cheveux, mais personne ne les emprunte avec les bons pas de danse. Peut-être que c’est parce que je devrais d’abord les danser pour montrer comment faire, et ainsi par la pratique j’apprendrais à tisser avec les pieds.

27 mai 2018

Everything is rhythm, the entire destiny is a single celestial rhythm, just as the work of art has a unique rhythm.

(Friedrich Hölderlin)

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Si tout est rythme, alors je fais aussi partie de ce rythme. Ce n’est plus suffisant de dire que les choses ont leur propre, unique rythme et que le mien peut en différer même s’il doit au final s’y accorder; ce n’est plus suffisant de chercher ni de trouver mon rythme personnel si au final il n’existe pas.

Il y a eu, et il y aura des tramvay dans ma vie qui me regarderont en face, fonceront vers moi pour se détourner au dernier instant. Trop occupée à m’absorber, je ne les aurai même pas remarqués, en l’absence d’impact sur ma peau. Pourtant si j’avais baissé les yeux un peu plus loin, de l’autre côté de la haie par exemple, j’aurais vu que les ray étaient incrustés d’avance – j’aurais pu me lever et les voir, ou les ensevelir.

26 mai 2018

To tangle or untangle
a willow
it’s up to the wind

(Chiyo-ni)

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Tout comme mon ventre : c’est le vent qui l’entortille, emmêlant du même coup le contrôle et le laisser-aller, la peur et le laisser-porter, la réflexion et le laisser-sentir. Le vent, lui, sait pourquoi – ou pas pourquoi – il le fait; je n’ai qu’à annuler le reste d’aujourd’hui et regarder le temps passer sur mes genoux.

Même dans le passage du temps, justement, il y a des degrés de compétence. Un examen comme intervalle entre deux textos. Un décalage horaire creusé puis effacé dans la même journée. Les cernes ouverts en deux jours, des baisers aussi longs que des cernes. La vitesse de l’éclair moins celle d’un festin à l’iftar.

25 mai 2018

I think the prime reason for existence, for living in this world is discovery.

 

(James Dean)

 

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Pendant le cours de bhangra, ouvrir la fenêtre pour inspirer et découvrir que la douleur s’en est échappée pour aller se rouler sur un toit. Les éclairages feutrés projettent des lynx gémissants sur les pauvres petits corps des chats juchés haut; pourtant la peur reste extérieure à mon corps dansant, elle demeure un personnage essentiel à la nuit, un parmi d’autres.

Et le matin quand je me sens extérieure à moi-même, perchée sur une épaule comme sur un navire de carton, je me rappelle que la découverte, c’est aussi celle de ce que j’arrive à faire avec le sourire. C’est aussi la coupe de quelques mèches de ma frange afin de mieux encadrer l’avenir.

24 mai 2018

It was falling in the dream
It was falling actually
It was the sakura night

(Shinsaku Hanada)

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Tomber n’est pas forcément négatif; ainsi tombe-t-on sur le voisin qui résoud notre problème d’électricité, sur le mec qui nous invite à la plage, même sale, ou sur la chanson qui nous répète que tu es Istanbul peu importe la valeur du dollar ou la solitude de la yalnız Kız Kulesi, la tour de la Jeune fille seule.

Le plus merveilleux, c’est de tomber sur ce qui tient, qu’il s’agisse d’un dos réparé par le sable, de bras qui tiennent ouverts pendant tout une séance de bhangra ou d’une mosaïque aux couleurs défiant les yeux comme le temps. Le plus merveilleux, le plus apaisant, ça reste de laisser tomber.

23 mai 2018

Korkuyoruz.
Düşünmekten ve sevmekten korkuyoruz. İnsan olmaktan korkuyoruz.

(Oğuz Atay)

Nous avons peur.
Nous avons peur de penser et d’aimer. Nous avons peur d’être humains.

(traduction libre)

 

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La peur / d’aimer, comme si on allait se moquer de moi à cause de ce que j’aime. Cette peur est abandon, l’abandon de ce qui me ravit au profit de ce.lleux qui ne me plaisent pas de toute façon; comme tout le monde avoir au ventre la peur de l’abandon et pourtant m’abandonner moi-même continuellement dans les petites choses, et si au moins c’était conscient…

Comment perdre la peur d’être humain.e.s? Je ne vois qu’une manière : en me perdant dans ce qui est plus grand que moi, une grande ile ou un bateau pour cent. Effacer la peur par la mère de toutes les peurs, effacer la peur par l’absurde et sentir que la vie est là.

22 mai 2018

Dans la vie on ne fait pas ce que l’on veut mais on est responsable de ce que l’on est.

(Jean-Paul Sartre)

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La responsabilité est un mot qui me fait souvent fuir faire ce que je veux. Parce que je crois qu’il est souvent possible de le faire, ou à tout le moins qu’il est possible d’imbriquer l’un dans l’autre, de faire coïncider le coeur et les pieds. Ainsi lorsque j’ai le réflexe (bien fort) d’appréhender le devoir, je me rappelle généralement le plaisir que j’ai normalement à le faire ou à l’avoir fait… et, inversement, l’ennui que j’éprouve parfois à faire ce que je veux.

Alors j’aperçois une paire de pantoufles et je vois que les pays finissent par avoir une place différente que celle que je voulais leur attribuer. Et je comprends que si mes désirs changent constamment, faire ce que je veux n’est qu’une illusion coincée entre deux espaces.