5 mai 2018

[…] mon professeur de philosophie disait que le truc le plus dur pour les gens, c’est la vie non vécue.

(Jim Harrison, Les jeux de la nuit)

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Je n’ai pas de difficulté à le croire. Ce même rêve qui nous tire vers l’avant, ce même vapur qui tire nos coeurs de mouette vers l’avant est aussi la cause de notre piqué du bec s’il déraille, s’arrête, coule. Lorsqu’on n’a plus cette siluet mouvante (parce que les rêves avancent eux aussi, se développent jusqu’à se recouvrir complètement de leur propre mousse) à agripper du regard, on est confronté.e.s au vague de l’océan, à son apparente platitude. Il n’en manquait pas plus pour qu’on décroche du ciel dans un cri d’échu.e.

Après la chirurgie, le truc le plus dur était le temps; de devoir laisser passer les bateaux consciemment sans pouvoir les aborder encore, les deux jambes entières en eaux troubles – sans même savoir si on pourrait un jour les aborder. Mais la patience de mes ailes est récompensée : ainsi je vis ma vie non vécue.