10 mai 2018

[…] toucher terre un matin où la tasse se réchauffe, liqueur pleine de murmures, saveur en volutes, sans un mot – de langue universelle, je suppose.

(Charles Sagalane, « Feng Huang Gou Tou », 47atelier des saveurs)

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C’est un matin où la tasse refroidit. Je n’arrive pas à toucher terre, quelque chose de l’ordre d’une volute, d’une queue de violon me garde trop dans les mots, suspendu.e.s. Je n’entends que les murmures des mais, les susurrements des et si… C’est comme si je m’étais brulé la bouche deux fois dans mes vies passées et que ça me revenait aujourd’hui, l’inquiétude qui tiraille le bout de la langue.

Heureusement il existe les autres et leurs coquetels d’histoires froids, une ile dansante jamais vue sur le Bosphore, et la possibilité que tout coule. Que mon histoire ne soit qu’insignifiante, malgré tout.

8 décembre 2017

[…] toucher terre un matin où la tasse se réchauffe, liqueur pleine de murmures, saveur en volutes, sans un mot – de langue universelle, je suppose.

(Charles Sagalane, « Feng Huang Gou Tou », 47atelier des saveurs)

 

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Sans un mot dans mes oreilles, descendre la colline et rejoindre la route qui mène au travail, cette route en surbrillance qui s’étire sous le soleil levant comme des paupières sous les poudres du matin. Plus tard, après les cours, descendre les six étages pour toucher terre, ouvrir les mains pour qu’une tasse s’y réchauffe alors qu’on coupe la musique lorsque la mosquée murmure, c’est vendredi – langue universelle, je suppose.

İstanbul n’est que saveurs en volutes, un endroit à l’air trouble mais aux couleurs précises : rouge thé pâle pour moi, couleur café foncé pour toi.

7 octobre 2017

[…] toucher terre un matin où la tasse se réchauffe, liqueur pleine de murmures, saveur en volutes, sans un mot – de langue universelle, je suppose.

(Charles Sagalane, « Feng Huang Gou Tou », 47atelier des saveurs)

 

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Je pense que je me répète (dans les images). Inévitable : après tout, je me répète dans les villes aussi, dans les citations, dans les rengaines qui défilent dans ma tête, forcément. Les thés aussi se répètent, turski čaj ou türk çayı, et c’est chaque fois la même langue universelle qui joue, une série de murmures sans un mot, comme ma bouche suspendue au-dessus de la mer de Marmara la nuit, et toutes ces lumières orange qui filtrent à travers le verre évasé…

Je touche terre et l’eau remonte du sol à mes yeux, je me retrouve un matin dans la même ville que la veille, celle qui réchauffe, et c’est bon… – font mes lèvres après le thé.

27 septembre 2017

[…] toucher terre un matin où la tasse se réchauffe, liqueur pleine de murmures, saveur en volutes, sans un mot – de langue universelle, je suppose.

(Charles Sagalane, « Feng Huang Gou Tou », 47atelier des saveurs)

 

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Je touche terre enfin, un soir et non un matin, en fait je touche la baie du bout du doigt comme les montagnes noires posent leurs paumes contre le mou des nuages. C’est ce soir que la tasse d’Ao Hôji réchauffe nos langues universelles, et soudain le Monténégro me rappelle le Japon et ses senchas d’accueil, ses heures en volutes sur l’eau, ses ressentis en bloc, sans un mot : je flotte ici en rêve… Respirer profondément l’air marin me fait intégrer la réalité lumière par lumière, firefish by firefish, mais je n’arrive pas au fond.

Il faudra boire une autre tasse, je suppose.

1er septembre 2017

si
nous avons un âge
que ce soit passager
celui
de bondir

(Charles Sagalane, « Clos de la Madeleine », 47atelier des saveurs)

 

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Je croyais que ma valve mécanique avait un an et j’allais célébrer naïvement, mais non : je me suis trompée de mois. Elle n’a pas encore l’âge des grandes fêtes, seulement celui des réjouissances quotidiennes. Chaque jour la fait vibrer sur différents registres d’émotions, du calme faux plat à l’inquiétude serrée à la béatitude blanche, quand la place de la Katedrala devient un film 3D fait exclusivement de signes…

Mon cœur, habitué aux chantiers de construction, relie les points et me bâtit une carte du ciel en bannières. Passagère, je peux ainsi bondir d’une fête à l’autre, tranquille.

4 aout 2017

si
nous avons un âge
que ce soit passager
celui
de bondir

(Charles Sagalane, « Clos de la Madeleine », 47atelier des saveurs)

 

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Mon visage commence à prendre les traits de l’âge, ceux de tous les voyages que j’ai faits jusqu’à maintenant. Chaque pas imprime un rire imprime une ride, chaque coucher de soleil pèse doucement sur ma poitrine et enveloppe le rouge de ma cicatrice.

J’aime vieillir. J’aime aussi fréquenter des gens de tous âges, ceux qui n’ont pas d’âge, surtout. Chaque matin je me réveille dans l’abondance du vide intérieur, et je me lance dans la journée de toutes mes jambes marquées : grises tatouage délavé, bleues coups invisibles de la vie, brunes gorgées de soleil.

J’avance et comme j’ai appris mes capitales, j’apprends maintenant les chemins qui y mènent.

26 juillet 2017

[…] toucher terre un matin où la tasse se réchauffe, liqueur pleine de murmures, saveur en volutes, sans un mot – de langue universelle, je suppose.

(Charles Sagalane, « Feng Huang Gou Tou », 47Atelier des saveurs)

 

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Ma tasse est pleine de thé noir (Mi Xiang Hong Cha), de langues plus si étrangères, de discussions riches même là où les mots manquent. Il fait plus frais depuis hier, et nos saveurs individuelles créent des volutes sous la pluie – est-ce ainsi que se forment les arcs-en-ciel?

Parfois j’aimerais toucher terre ou toucher matelas, une journée ou deux, le temps de regarder l’infusion se faire, de sentir les vents de changements. Mais alors je me rappelle que j’aime aussi être portée; et que je les observe ou non, les couleurs foncent et les textures s’épaississent. Alors dans ma bouche entre un gout de langue universelle, comme un baiser attendu, sans un mot.

13 juillet 2017

[…] toucher terre un matin où la tasse se réchauffe, liqueur pleine de murmures, saveur en volutes, sans un mot – de langue universelle, je suppose.

(Charles Sagalane, « Feng Huang Gou Tou », 47Atelier des saveurs)

 

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C’est un matin où j’ai envie de toucher terre tout en sachant que j’y touche déjà, à cette terre rouge et rocailleuse qui emmagasine la chaleur du ciel et des humains. Toucher terre les mains autour d’une tasse de thé fumant alors que la brise traverse l’appartement, refroidie par le béton, et soulève les arômes au passage. Toucher terre de tout mon long sur mon lit, suivant mon train de rêves comme le bus longe la fraiche Neretva. Toucher terre et compter les bleus et piqures de moustique qui parsèment le voyage (sur mon corps).

Je ferme les yeux une seconde et je sens mes pieds sur cette terre, ce pays, na ovoj zemlji, même s’il reste tant de montagnes, de vins et d’être humains à explorer.

8 juin 2017

si

nous avons un âge

que ce soit passager

celui

de bondir

(Charles Sagalane, « Clos de la Madeleine », 47atelier des saveurs)

 

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Dans l’ordre dit naturel, sensé des choses, l’âge de raison vient après celui du bond. Alors, dès la grande enfance, on peut désapprendre à rebondir (véritablement, avec de l’impulsion!) après les échecs, à sauter dans le vide, à gambader follement sur Papineau ou dans un couloir du Centre des congrès.

Pourtant, n’est-ce pas la raison qui me fait dire qu’age is just a number (via le sourire lubrique et édenté d’un autre passager  -tiens!- du métro)?

Passons rapidement outre le nombre de nos années et célébrons.