8 février 2018

Elle ne saura pas que, seulement au commencement de la dernière étape,
seulement pour passer l’entrée, son cœur sera autre.

(Claudia Hernández de Valle-Arizpe, « Temple du Bouddha incliné », extrait de México-Pékin, Exit no 83, trad. Ana Cristina Zúñiga)

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Serait-ce donc déjà la dernière étape? Mon coeur est autre depuis ce midi, la peur du temps et du froid l’ont quitté, il a été agrandi comme la nuit, le roulis trois fois repris d’une dernière chanson lui a donné les dimensions de mon torse et de mon abdomen entiers.

Je ne sais encore rien, bien sûr, de l’entrée que je viens de passer, sinon que c’est d’une certaine façon celle de mon propre corps, de sa localisation à l’intérieur comme à l’extérieur de ma vie. Pourrais-je être plus vague? Oui, car c’est à la fin ce que je deviendrai : une déferlante, une parfois brisée, mais une toujours soulevée.

7 janvier 2018

Elle ne saura pas que, seulement au commencement de la dernière étape,
seulement pour passer l’entrée, son cœur sera autre.

(Claudia Hernández de Valle-Arizpe, « Temple du Bouddha incliné », extrait de México-Pékin, Exit no 83, trad. Ana Cristina Zúñiga)

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M’endormir en pleurs, me réveiller en sourires : c’est là l’aventure du rêve, un mascara allongeant les cils à l’infini, noir. L’alarme sonne; tu m’as pardonné sans me le dire, nous sommes toujours guimauve, la guimauve des yeux qui s’ouvrent au chaud et qui se rendent compte que rêve ou réalité, ça n’a pas tellement d’importance.

Je passe l’entrée de la journée, mon cœur estautre, déjà sur le fruit ont passé des nuances du bazar égyptien, bazar aux épices, et je ne sais plus au commencement de quelle étape je suis, de quelle histoire.

1er janvier 2018

Elle ira sans savoir que l’image de deux étangs, depuis un pont
près de la tour et du clocher sous le ciel bleu (cette fois) de lumière brillante, sera une image qui reviendra même si les années passent.

Comme les pupilles du cerf, les cercles de chaque étang se dilateront.

(Claudia Hernández de Valle-Arizpe, « Temple du Bouddha incliné », extrait de México-Pékin, Exit no 83, trad. Ana Cristina Zúñiga)

 

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C’est le Premier de l’an, et tout ce à quoi je pense est la dualité : deux coupes de crémant illuminées différemment mais qui résonnent ensemble; deux verres à thé qui se sont éloignés l’un de l’autre et qui ne tiennent… qu’à un élastique; deux années miroirs sur lesquel.le.s je décalque mes vœux en yeux de chat.

L’image de deux est, je l’espère et le sais, image qui reviendra; j’ai deux pupilles, après tout, et à la fois de la chair et du métal dans mon cœur. Cette année je vous souhaite à tou.te.s des cercles de lumière brillante dont les couleurs parlent aux vôtres, et qui se dilateront.

3 octobre 2017

Elle ira sans savoir que l’image de deux étangs, depuis un pont
près de la tour et du clocher sous le ciel bleu (cette fois) de lumière brillante, sera une image qui reviendra même si les années passent.

Comme les pupilles du cerf, les cercles de chaque étang se dilateront.

(Claudia Hernández de Valle-Arizpe, « Temple du Bouddha incliné », extrait de México-Pékin, Exit no 83, trad. Ana Cristina Zúñiga)

 

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Les images qui reviennent. La nuit, si je ne m’endors pas d’un coup, c’est le jeu auquel j’aime jouer : identifier les images qui passent en un carrousel aux tours légers comme les nuages, mais que je peux découper lucidement. Les pupilles stoïques comme celles du cerf, je ne bouge rien de mon corps sauf mes mots, je nomme les cadavres exquis qui m’assaillent.

Avant que les cercles des étangs se dilatent et que je pénètre dans le sommeil, je me pose une dernière question : qu’est-ce qu’un rêve? Et je m’endors sur des diapos toujours légèrement différentes, comme les endroits que l’on revoit après que les années aient passé.

 

22 aout 2017

C’est là, dans l’étreinte de la forêt vierge, qu’il souhaitait vivre à jamais. Il avait atteint l’endroit où toute sa réalité encore non vécue l’attendait.

« Ça ne me fait pas peur »

(Hella S. Haasse, Les seigneurs du thé)

 

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Toute mon épaule gauche a peur. Elle se retient à un poteau de téléphone, ne voyant pas que dans l’étreinte de la forêt vierge, il y aura des troncs auxquels s’agripper, sur lesquels même se propulser pour avancer plus vite lorsqu’elle en aura envie. Mais aussi, surtout, pour se ralentir et prendre le temps de jouer, de tisser un jeu de ficelle qui lui servira de hamac, d’abribus, de bibliothèque.

Toute mon épaule gauche, c’est l’étui de mon cœur. Et s’il bat, ce cœur, c’est pour attraper toute sa réalité encore non vécue, et l’enserrer d’un lasso. Mais il n’y arrivera pas s’il souhaite vivre à jamais. Il restera plutôt, dans une épaule dans une forêt, une image qui reviendra même si les années passent.

 

(Extrait sur la photo d’un poème de Claudia Hernandez de Valle-Arizpe paru dans Exit no 83, trad. Ana Cristina Zuniga.)