14 février 2018

Le monde passe par ici.

(Gatien Lapointe)

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Le monde passe parfois entre mes coups de ciseaux, parfois entre mes coups de hanches, toujours par mes coups d’oeil. Chez moi j’ouvre le passage à une couette aérienne, à des électrocardiogrammes en maquillage, à un doigt qui trace mes cernes avec douceur. Chez moi ça sent bon la rue et l’encre sur la peau.

Oui, le monde passera toujours par ici; vous me direz de faire attention, que je dessine des chas disproportionnés à mes aiguilles, que j’ai le droit de fermer la boutique ou la bouche parfois. Et moi j’ouvre les bras, le coeur en croix.

5 décembre 2017

Le monde passe par ici.

(Gatien Lapointe)

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Lorsque je pars tôt le matin de mon quartier excentré, j’aime prendre le premier bus qui passe et décider ensuite de mon chemin alors que je suis déjà à bord. J’y trouve là une forme de liberté dans la contrainte (contrainte de la distance et de l’heure de départ, mais aussi contrainte physique alors qu’il faut sans cesse se concentrer sur son pied ou sa main – ne pas écraser, ne pas être écrasé.e…

Pour les six mois du cœur voyageur, j’ai choisi de passer par le métro de la Corne d’or, Haliç, afin de lancer des confettis sur İstanbul endormie, poignée de minutes qui brillent comme des yeux qui n’ont pas encore tout vu, mais que tout voit. Encore.

8 octobre 2017

Le monde passe par ici.

(Gatien Lapointe)

 

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Ce matin, comme tous les derniers matins, je me suis réveillée avec la gratitude du drapeau au vent sur un pont de traversier. Le cœur me battait comme avant, quand je n’avais pas d’obligation sauf d’ouvrir les yeux devant le jour, de laisser la bruine et les voix amies m’abreuver jusqu’à l’ivresse, celle du thé de minuit sur une si petite table, trois têtes penchées sur quatre tasses, üç, dört.

C’est quand je les laisse aller devant l’horizon que les mots s’alignent et créent le plus de sens. La corde hale bien, je le sais parce que je passe encore par ici, le cœur bien au centre du cœur.