22 aout 2017

C’est là, dans l’étreinte de la forêt vierge, qu’il souhaitait vivre à jamais. Il avait atteint l’endroit où toute sa réalité encore non vécue l’attendait.

« Ça ne me fait pas peur »

(Hella S. Haasse, Les seigneurs du thé)

 

***

 

Toute mon épaule gauche a peur. Elle se retient à un poteau de téléphone, ne voyant pas que dans l’étreinte de la forêt vierge, il y aura des troncs auxquels s’agripper, sur lesquels même se propulser pour avancer plus vite lorsqu’elle en aura envie. Mais aussi, surtout, pour se ralentir et prendre le temps de jouer, de tisser un jeu de ficelle qui lui servira de hamac, d’abribus, de bibliothèque.

Toute mon épaule gauche, c’est l’étui de mon cœur. Et s’il bat, ce cœur, c’est pour attraper toute sa réalité encore non vécue, et l’enserrer d’un lasso. Mais il n’y arrivera pas s’il souhaite vivre à jamais. Il restera plutôt, dans une épaule dans une forêt, une image qui reviendra même si les années passent.

 

(Extrait sur la photo d’un poème de Claudia Hernandez de Valle-Arizpe paru dans Exit no 83, trad. Ana Cristina Zuniga.)

22 juillet 2017

C’est là, dans l’étreinte de la forêt vierge, qu’il souhaitait vivre à jamais. Il avait atteint l’endroit où toute sa réalité encore non vécue l’attendait.

« Ça ne me fait pas peur »

(Hella S. Haasse, Les seigneurs du thé)

 

***

 

J’ai atteint cet endroit. En fait j’ai les deux pieds imprimés dans le béton de ma forêt vierge, près de sa lisière – de sortie ou d’entrée? Parfois, ce qui demande le plus d’énergie n’est pas d’aller loin, mais de faire demi-tour. Lorsque je trouve comment m’élever un peu de terre pour que mes sandales ne touchent qu’à la couche supérieure du ciment ou de l’asphalte, celle qui reste molle malgré tout, j’arrive à pivoter malléablement.

Et alors je vois, dans toute sa solidité, ma réalité vécue dans les dernières semaines, dans les derniers mois. D’une canne de peinture verte, neutre comme l’espoir, je bidouille par-dessus les graffitis qui ornent mes murs : je change vers en univers, je tague mon nom comme un appel, je me retourne quelques instants trop tard après que tu t’es retourné. Je te manque. Mais l’avenir ne manque pas.