5 avril 2018

[…] alors peut-être maintenant que les cœurs s’excitent, qu’ils s’ébrouent lentement dans les cages thoraciques, peut-être que leur masse et leur volume augmentent et que leur frappe s’intensifie, deux séquences distinctes dans un même battement, deux coups, toujours les mêmes : la terreur et le désir.

(Maylis de Kerangal, Réparer les vivants)

 

***

 

Ce qui me fait avancer? Les deux coups de mon cœur, ter-reur dé-sir, comme autant de syllabes démultipliées, de combinaisons de phonèmes aussi proches qu’un pied l’est de l’autre lors de la marche. Si le Bosphore était au beau fixe à l’intérieur de moi, si mon cœur ne s’excitait pas, je resterais ici à finir mon sandwich, sur mon toit préféré auquel l’accès n’est bloqué que symboliquement.

Mais rester a toujours ses limites… physiques. Ou bien ma cage thoracique en a assez du soleil, ou bien mes jambes déterminent l’heure avec exactitude. Comme si mon corps entier savait qu’où j’irais ensuite pour activer mes neurones, la vue serait daha güzel, encore plus belle.

1er mars 2018

[…] il avait fallu qu’elle apprenne une autre langue pour connaître la sienne, aussi se demandait-elle si cet autre cœur lui permettrait de se connaître encore : je te fais de la place, mon cœur, je crée de l’espace pour toi.

(Maylis de Kerangal, Réparer les vivants)

***

Elle apprend encore (hala n’est pas comme tekrar, still pas comme again) une autre langue, elle la fait sienne même si lui n’est plus là pour la lui enseigner; elle n’a qu’à prendre un cliché du rythme de son propre cœur. Quelque part dans ce vent à 75 mots à la minute, à 25 goélands à la seconde, quelque part dans ce tournis elle voit surgir une forme aux contours arrondis, aux yeux de biche douce, fleurant le jasmin rouge : elle, dans toute sa splendeur de femme ouverte au froid, elle, tout court et tout droit.

Je crée de l’espace pour toi, fait le murmure de son cœur, et son cœur se fait – approchant, de moins en moins murmure, de plus en plus à portée.

10 janvier 2018

[…] il avait fallu qu’elle apprenne une autre langue pour connaître la sienne, aussi se demandait-elle si cet autre cœur lui permettrait de se connaître encore : je te fais de la place, mon cœur, je crée de l’espace pour toi.

(Maylis de Kerangal, Réparer les vivants)

 

***

 

Cet autre cœur, avec ce qu’il a de métal, de liant – une attache de duo-tang -, me permet de me connaitre encore quelques années, quelques coups de dés. Ma valve est un tuteur de titane qui ouvre au cœur la possibilité de la souplesse : vas-y, ouvre-toi et dépose-toi à même ton ouverture, je te soutiens comme le cliché suspend les dés en l’air.

Je n’ai jamais su créer de l’espace avec mes adhérences fairly dense. J’ai quand même appris à jouer, à ne pas aimer perdre mais à rejouer. Parce que chaque fois que j’ai atteint 10 000 points, la vie a recommencé.

 

24 novembre 2017

[…] il avait fallu qu’elle apprenne une autre langue pour connaître la sienne, aussi se demandait-elle si cet autre cœur lui permettrait de se connaître encore : je te fais de la place, mon cœur, je crée de l’espace pour toi.

(Maylis de Kerangal, Réparer les vivants)

***

Les étoiles ne disparaitront pas, entends-je alors que c’est la plus proche d’entre elles qui éclaire tout İstanbul, coupe sa brume au couteau. Les étoiles se ramasseront ce soir au fond de mon verre de Narince, sèches ou demi-sèches…

J’ai peut-être changé de cœur comme je vais changer de langue, polako, yavaş yavaş, mais l’espace autour est le même depuis mes huit mois : un cicatriciel serré comme un poing dans un étui de velours. Après tout, ces adhérences au centre de moi me rendent plus solide, debout dans le même otobüs en mouvement qu’hier.