6 janvier 2018

J’ai trouvé la femme en moi qui connait toutes les réponses.

(Mélodie Vachon Boucher)

 

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En voiture dans la poudrerie, j’ai trouvé la femme en moi, sous une couche de métal et de glace, qui connait toutes les réponses… surtout les miennes et les tiennes dans cette discussion qui ne mène jamais qu’au banc de neige. Mais tes réponses, la femme en moi n’accepte plus que je les fasse miennes – seulement que je les fasse tiennes.

Tiens, justement, ton cadeau d’hôte emballé dans du beau papier argent, je le pose sur ton siège chauffant et retourne marcher dans ma tempête… ce châle qui enveloppe si bien la femme en moi et qui la laisse se déposer dans le vent.

 

 

26 octobre 2017

J’ai trouvé la femme en moi qui connait toutes les réponses.

(Mélodie Vachon Boucher)

 

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La femme en moi sait lever les yeux au ciel. Elle sait dire si le vent qui fait bruire les feuilles l’écrase ou l’élève, elle sait dire si l’averse la détrempe ou la ramène à la mer. Cette femme squelette de branches, en moi mais aussi entre moi et les autres, tisse une danse de vie et de mort entre ce que je dis et ce que je fais, entre ce que je sens et ce que je ressens, entre ce que mon œil gauche et mon œil droit perçoivent.

Seule avec elle dans cette grande maison isolée d’un rideau de pluie, je trouve dans le gyokuro en moi toutes les réponses, tous les cours d’eau.

8 septembre 2017

Les avions sont-ils faits pour rentrer ou s’en aller?

(Mélodie Vachon Boucher)

 

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Mon histoire est un jeu de société que je déplie sur la table au lever et dont les mêmes éléments se réarrangent pour que je puisse gagner (au moins quelque chose : un tour gratuit, une maison de plastique, un morceau de fuselage). Je suis souvent confrontée à l’énigme des avions sans toutefois pouvoir la résoudre. Il y a trop de passager.ère.s dans chaque cabine, chacun.e avec son propre jeu, et je ne peux pas connaitre toutes les lois du hasard, de leur hasard.

Mais lorsque j’essaie de dormir et que je compte les vols qui passent au-dessus de ma tête, je connais une petite victoire sous la forme d’une épiphanie : un avion, c’est un passe-câbles pour un paquet de trajectoires autrement éparses. Un avion, c’est fait pour retenir le temps.

 

6 septembre 2017

Les avions sont-ils faits pour rentrer ou s’en aller?

(Mélodie Vachon Boucher)

 

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Ces escaliers sont-ils faits pour descendre ou avancer? Je me pose souvent des questions faussement exclusives, et ça me prend alors un peu de mouvement pour me rendre compte que si une seconde j’étais en haut et quelques secondes plus tard en bas, c’est que la grandeur de la vie permet plus d’une chose – si ce n’est à la fois, alors côte à côte, en léger décalage.

Je vais prendre un avion tout à l’heure, et je quitte un chez-moi pour un autre, la Jérusalem européenne pour la Ville lumière. Je rentre, je m’en vais d’une flamme à l’autre, sans décalage.

 

29 aout 2017

Les avions sont-ils faits pour rentrer ou s’en aller?

(Mélodie Vachon Boucher)

 

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On me demande souvent dans quelle ville j’habite. Je dis alors que je ne vis nulle part, pour ne pas dire à plusieurs endroits. Je vis dans le cliché de mes réponses, dans un bâtiment aux ornements en chute libre, aux fleurs couleur émotions, aux colocations spontanées – je vis aussi dans le déni, parfois, autant que dans le moment, qu’il soit grand ou petit.

Et dans les avions, ces zones internationales volantes, je peux être celle que je veux, ne pas toucher terre parce que je rentre ou parce que je m’en vais. Si je pose les mains sur ma ceinture de sécurité, je me rappelle que ce bâtiment au délabrement soigné se trouve juste sous mes paumes. C’est là que je vis.

 

13 aout 2017

Les avions sont-ils faits pour rentrer ou s’en aller?

(Mélodie Vachon Boucher)

 

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Il y a deux semaines, le ciel m’avait apporté la réponse d’alors : les avions sont faits pour continuer. Je le crois d’autant plus maintenant que les voyages aériens ont perdu quelque peu de leur magie, que les villes mythiques ont laissé de leur lustre dans mon imagination de convalescente… Mais pour qu’on puisse appeler un endroit chez soi, ne doit-il pas d’abord acquérir une certaine patine, celle que donnent les mains qui caressent et étreignent?

Même en campagne, dès que je lève les yeux, les trajectoires viennent à moi : passées, présentes, futures. Et ces avions qui ne tiennent qu’à un fil (mais c’est un très bon fil, dirait Sylvie Laliberté) n’ont rien de bien différent avec les pas que je fais sur ce remblai de gravelle qui épouse mes pieds.

28 juillet 2017

Les avions sont-ils faits pour rentrer ou s’en aller?

(Mélodie Vachon Boucher)

 

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J’aime qu’ici on me demande comment je me sens d’aller (da ideš) au Canada, et non de rentrer au Canada. C’est la langue qui veut ça, je crois, puisqu’on va à la maison comme on en part pour prendre un verre; je veux ça aussi, une étiquette de moins sur mes allées et venues, et pouvoir continuer de dire vratit ću se, je vais revenir.

Et quand je veux sortir ma tête de toutes ces langues, je lève les yeux au ciel. Entre le câblage des tramways se profilent des nuages, et certains, prenant la forme d’un trait de crayon contrastant, me donnent à voir la réponse : les avions sont faits pour continuer.