les tirages passés

4 juin 2018

But if the essence of time is change,

How can anything become nothing?

(Louise Glück)

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Le coeur voyageur peut-il s’éteindre demain? Oui, il le peut mais son quelque chose ne deviendra pas un rien pour autant, il y aura d’autres aventures dans les loges de makyaj des pharmacies question d’avoir l’air de tout sauf soi avant les randevu importants. Question d’essayer sur sa peau, pourtant çok güzel, de nouvelles façons d’être soi.

J’ai tenté cette année d’explorer comment le coeur pouvait changer les voyages, comment les voyages pouvaient changer le coeur. Ma façon d’être, que je traine partout sans le savoir, a frisé avec l’humidité. Mon coeur a ralenti, mes cernes sont devenus mor, mon espoir a pris une forme que je n’aurais jamais cru qu’il prendrait : celle de rester.

3 juin 2018

Senin küçük bir elvedan böyle büyük bir aşkı bitirebilir mi? Ne sanıyorsun

Bazen bir kaldırım taşı bazen bir sokak çalgicisi

Yani sen İstanbul’sun

(Gökhan Türkmen, Sen İstanbul’sun)

Ton petit adieu de la main peut-il mettre fin à un amour grand comme ça? Qu’est-ce que tu en penses

Parfois une pierre de trottoir parfois un musicien de rue

En fait, tu es Istanbul

(trad. libre et imparfaite)

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On me demande ce que je vais faire, et je déteste ça. Je déteste l’arrogance qui nous fait décider que les choses se passeront ainsi, dans l’ordre, tellement que j’en viens même à détester l’espérance, parfois. Pourquoi? Parce que je suis une dalle de trottoir remplie de cette même pierre, de mon rêve cimenté qui a oublié de suivre le musicien de rue.

Pourtant, si je dois être Istanbul, il faut que j’en sois toutes les formes, toutes les duretés. Que j’épouse enfin ton adieu de la main, que je passe enfin à planifier (dans) le vide. Et un soir mon amour ira au bon endroit, feu de nature embrassant même son insolence.

2 juin 2018

It is June. I am tired of being brave.

(Anne Sexton)

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Oui, j’en ai marre d’être brave. Surtout parce que j’en ai marre de sentir qu’il faut que je sois brave. C’est surtout ça qui dérange : l’absence de liberté – alors que la bravoure est, devrait être un acte de liberté extrême. On est en juin, et je suis déjà fatiguée. J’ai besoin de nouveau, mais je suis tannée de toujours devoir le déclencher. Pourtant même en me plaignant je continue de chercher la nouveauté, par réflexe.

Est-ce à dire que j’ai le réflexe d’être brave? Non, comme tout le monde je vais vers la sécurité, peu importe la forme qu’elle prend, macédoine sur un pide. Mais c’est seulement à force d’essayer que j’arrive à plier les coins de ma sécurité – le courage est-il dedans ou dehors?

1er juin 2018

Learning how to be still, to really be still and let life happen – that stillness becomes radiance.

 

(Morgan Freeman)

 

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Je suis allée chercher l’éclat doucement, en laissant la vie se produire, s’annuler et rebourgeonner en bouquets de constellations écrites, d’emir et de sultaniye, de sourires au porteur du dessert. Être immobile face au bouillonnement, c’est aussi effacer le doute qui me constitue, puis devenir ce bouillon qui revient et demande : Tu t’appelles comme ça?

Il n’y a rien de mal à déjà connaitre la réponse. Je comprends maintenant que ce que je cherche à obtenir ailleurs n’est qu’une confirmation. Au fond du verre de vin, de l’article en şantiye ou de la première poignée de main, la tranquillité centrale à l’étincelle.

 

31 mai 2018

Cette année, la pierre du souvenir, il faut croire, était plus lourde que d’habitude.

(さみろた、@MAntipyrine)

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La fin du mois, la fin d’un cycle, la fin d’une année. C’est toujours là que la pierre du souvenir s’alourdit soudainement alors qu’on portait bien l’air jusqu’à maintenant. Mais est-ce cette même agate avec laquelle je dormais, cette même chrysocolle que je portais dans ma poche de şort qui est revenue se loger (se lover comme moi sur un chat…) dans mon ventre? Ou ne serait-ce pas plutôt cette magnétite toute neuve qui n’attend que je la polisse?

Le temps m’apporte des fragments de ciel si j’y mets du mien. Du ciel ou du temps, de mien? Difficile à dire. Mais je penche vers les deux.

30 mai 2018

The forces of nature, and sunrises and sunsets — they feel like me. The « out there » is my « in here ».

(Olivia Dresher)

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Travailler sur le ciel comme le ciel travaille sur moi. C’est-à-dire dans un mouvement à la fois cyclique et réciproque, autant dans la rotation que dans la révolution. Choisir un espace entre deux étoiles et y plonger le regard, persuadée que la clé se révèlera après trente minutes d’exposition à l’obscurité.

Hier, j’ai hurlé à la nuit et elle m’a tenue occupée avec des rêves. Il y avait là des hivers où j’étais la bienvenue, des parasols de papier pour me protéger, des lunes de loyauté malgré la liberté. Il y avait là beaucoup de nous, au coeur du beaucoup de moi.

29 mai 2018

J’ai beaucoup de respect pour le hasard. Je crois à cette acceptation des objets donnés, et de la vie donnée, qu’il faut prendre telle qu’elle vient.

(Marguerite Yourcenar)

 

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Je me demande si c’est le hasard qui met sur mon passage des gens au profil impossible / miroir. J’ai beaucoup de respect pour ce que je n’arrive pas à nommer, hasard me semble trop impertinent, aussi plate que la perspective d’une journée passée à la maison avant que j’aie décidé de la semer de petites beautés. Il y a bien un donné mais d’où vient-il, comment tombe-t-il, je n’ai pas envie de le savoir sauf lorsque je verse le thé de ma théière : en reste-t-il?

Il reste toujours des fleurs blanches mystères qui parfument des soirées au balcon. Il reste toujours des partages de cheesecakes à faire. Il faut prendre / la vie / telle qu’elle vient, parce qu’elle vient.

28 mai 2018

La façon la plus rapide de franchir la distance entre deux points est de l’enlever.

(Marie-Pier Charron)

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Sortir de mon malheur en lui arrangeant le toupette, de la même manière qu’on coupe la distance entre deux points : avec des miniciseaux, au-dessus de l’évier pour que les fragments de distance ne souillent pas le plancher.

Je suis terzi, tailleuse, même quand je ne sais pas coudre. Je dresse des ponts piétons aussi résistants qu’une mèche de cheveux, mais personne ne les emprunte avec les bons pas de danse. Peut-être que c’est parce que je devrais d’abord les danser pour montrer comment faire, et ainsi par la pratique j’apprendrais à tisser avec les pieds.

27 mai 2018

Everything is rhythm, the entire destiny is a single celestial rhythm, just as the work of art has a unique rhythm.

(Friedrich Hölderlin)

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Si tout est rythme, alors je fais aussi partie de ce rythme. Ce n’est plus suffisant de dire que les choses ont leur propre, unique rythme et que le mien peut en différer même s’il doit au final s’y accorder; ce n’est plus suffisant de chercher ni de trouver mon rythme personnel si au final il n’existe pas.

Il y a eu, et il y aura des tramvay dans ma vie qui me regarderont en face, fonceront vers moi pour se détourner au dernier instant. Trop occupée à m’absorber, je ne les aurai même pas remarqués, en l’absence d’impact sur ma peau. Pourtant si j’avais baissé les yeux un peu plus loin, de l’autre côté de la haie par exemple, j’aurais vu que les ray étaient incrustés d’avance – j’aurais pu me lever et les voir, ou les ensevelir.

26 mai 2018

To tangle or untangle
a willow
it’s up to the wind

(Chiyo-ni)

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Tout comme mon ventre : c’est le vent qui l’entortille, emmêlant du même coup le contrôle et le laisser-aller, la peur et le laisser-porter, la réflexion et le laisser-sentir. Le vent, lui, sait pourquoi – ou pas pourquoi – il le fait; je n’ai qu’à annuler le reste d’aujourd’hui et regarder le temps passer sur mes genoux.

Même dans le passage du temps, justement, il y a des degrés de compétence. Un examen comme intervalle entre deux textos. Un décalage horaire creusé puis effacé dans la même journée. Les cernes ouverts en deux jours, des baisers aussi longs que des cernes. La vitesse de l’éclair moins celle d’un festin à l’iftar.